Une ligne. Une ligne pure, qui scinde et suggère. Une ligne
comme un trait. Ou deux. Ou mille. Une suite d’incises,
parallèles ou détachées, noires ou bleues, rouges parfois, qui
structurent et organisent le paysage, la scène où jouent, dansent
et bondissent les chevaux et les clowns. Et puis de la couleur.
Pure encore, qui éclabousse la surface, cogne fort et juste,
juxtapose jusqu’au cri, là où le jaune irrite le rouge, mais où
finalement les stridences s’apaisent et s’acceptent…Une ligne,
ou deux. Une décision, un choix. Un petit théâtre, pardon, un
cirque, qui s’organise et se met en piste : le point de vue du
peintre varie peu, mais il résout ainsi, de deux tiers, la pers-
pective complexe du cercle. Ses œuvres reflètent le plaisir
de l’instant : un temps suspendu et joyeux qui s’anime avec
précision sous le regard du spectateur. Car, devant ces frag-
ments colorés, ce prisme mouvant, nous sommes le public,
anonyme et fasciné par une telle profusion de détails et la
simplicité d’une syntaxe visuelle confondante. Les chevaux
sont blancs ou noirs, nus ou revêtus d’un épais panneau de cuir,
les clowns sont musiciens et les écuyères multiplient les tutus
colorés pour composer un spectacle vibrant et dynamique. Et
toujours, la silhouette austère de Monsieur Loyal, tracée d’un
bleu froid, hante les abords du rideau ou se glisse au centre de
la composition pour donner la réplique aux clowns ou tenir
d’une main ferme la barrière que va franchir l’écuyère sur son
cheval blanc… Ce Monsieur Loyal, qui pourrait être le double
du peintre, omniprésent dans l’immense majorité de ces œuvres
dédiées au cirque, auto-portrait discret et élégant, attentif au
bon déroulement de la représentation ou… à l’équilibre parfait
du tableau.
Souvent, une simple chaise, blanche et droite, accessoire tra-
ditionnel des clowns, s’inscrit comme un leitmotiv symbolique,
artifice central ou discret, de nombreuses compositions. Cet
objet, emprunté au quotidien, signifie le cirque presqu’autant
que la sciure ou l’odeur des bêtes, mais il atteste aussi du sens
de l’observation aigu du peintre qui l’a incorporé comme un
élément de son alphabet pour transcrire à l’aquarelle, l’huile
ou la gouache ses émotions de spectateur.
Les chevaux galopent, la poussière vole, les clowns s’accor-
dent, le rideau s’entrouvre et le spectacle va commencer : le
cercle, encore une fois, s’anime. Il vit.
A line. A pure line, that splits and suggests. A line like a
stroke. Or two. Or a thousand. A series of cuts, parallel or
apart, black or blue, red at times, that structure and organize
the landscape, the stage on which, dance and bounce horses
and clowns. And also color. Pure again, splashing on the
surface, hitting hard and accurately, juxtaposed to the point
of shouting, at places yellow irritates red, but then the
shrillness recedes and mellows…A line or two. A decision,
a choice. A small theatre, sorry, a circus, gets started, enters
the fray: the painter’s point of view hardly ever shifts, but by
doing so he solves two-thirds of the circle’s complex
perspective. His works reflects instantaneous pleasures: the
public gazes straight at a joyful frozen instant unfolding.
Facing the colored fragments, changing prisms, we become
the anonymous crowd. We are mesmerized by countless
details and the clear, baffling, visual syntax. Black or white
horses, naked or clad in thick leather, clowns-musicians and
bareback riding girls in multiple colorful tutus, all collide for
a vibrant dynamic show. The ringmaster’s severe silhouette
haunts the stage, delineated in icy blue, often by the curtain.
Sometimes he glides towards the centre of the composition,
in dialogue with the drawn clowns, or holding with a firm
grip the barrier the horsewoman is about to leap over with
her white steed. The ringmaster could be the painter’s alter
ego, appearing in nearly all the works devoted to the circus,
discreet and elegant self portraits, making sure the show goes
smoothly, or… the painting is well balanced.
A simple white chair, a clowns’ traditional stage-prop, is used
in most compositions as an emblematic leitmotiv, a discreet
or central device. This everyday object represents the circus,
as much as sawdust or the smell of wild animals. But it also
shows the painter’s fine sense of observation as he
incorporates it in his alphabet to transcribe his spectator’s
experience into watercolor, gouache or oil.
Horses gallop, dust whirls up, clowns adjust, curtains lift,
the show is about to begin: the ring reanimates. It is alive.
Prélude
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Prelude